Ah mes aïeul(e)s (2) !
Nadine P.
À relire mon billet précédent sur mes aïeux, je découvre combien il m’est difficile d’écrire un texte court sans redire quelques scènes déjà évoquées ici, morceaux de vie autour de celles et ceux qui m’ont accompagnée durant mon enfance et jeune adulte, partant trop tôt pour que mes enfants les connaissent mieux.
Connaître ses anciens c’est faire partie d’un clan plus élargi, avoir mémoire commune ou souvenirs à transmettre. C’est aussi se sentir moins orphelin de passage quand on se retourne. Écrire sur eux, c’est beaucoup d’émotion et les mots banals sont au demeurant si loin de ce que je ressens encore pour les « vieux » de ma famille.
Mémère Pic et pépère Pic, on les appelait comme ça.
Mes grands-parents paternels, câlins, nous accueillant en vacances ma sœur et moi très souvent, nous laissant faire bien des choses dans la maison entre cachettes et bêtises.
Chaque fois que leur souvenir effleure ma vie, c’est toujours avec beaucoup d’amour.
Elle, était si typiquement la « grand-mère » pour ma génération. Pas une mamy qui part en vacances en Thaïlande dès la retraite annoncée, pas celle qui va à la piscine le jeudi soir et au scrabble avec les copines ou aux séances de Pilate bien sûr ! Pas très grande, ronde, affublée toute la semaine et toute l’année, d’un éternel tablier à bretelles, parfois gris, parfois bleu, les cheveux toujours coiffés en chignon, elle aimait d’ailleurs répéter que depuis son mariage, elle ne les avait jamais coupés. Mariée à un italien, elle faisait preuve là d’une docilité surprenante, d’une bien facile concession, elle qui était avec force caractère, le chef de famille sur les autres plans.
Lui, ayant volontairement oublié sa langue d’origine pour se fondre dans l’univers d’après-guerre où il n’était pas bien venu en France sauf pour reconstruire, très grand et fluet, adorable et doux, ne criait et en italien en plus, que lorsque ma grand-mère avait abusé de son injuste attitude.
Souvenir précieux, partagé : j’avais cinq ans. On partait à la mer !
Nous avions dormi, agités et tout habillés pour ne pas perdre de temps le lendemain matin, quand à l’aube il faudrait partir. Côte d’Or, départ, côte bleue, arrivée.
Mes grands-parents et qui ? Ma sœur, et des images floues pour certains autres participants de l’aventure.
On va voir la mer ! C’était aussi invraisemblable pour moi que de découvrir la neige pour un enfant de Mayotte. Ma grand-mère ravie, tenant son chapeau, assise sur le sable, regardant « ses petits » s’esclaffer dans les vagues et ça, grâce à elle… Pas peu fière d’être celle qui définitivement nous aurait ouvert les yeux sur ces lieux-là.
Autre souvenir, une anecdote savoureuse. Lorsque « Mémère Pic » a offert des pistolets à mon fils aîné. Nous n’étions pas vraiment pour ce genre de jouet, son père et moi, mais bon, les parents doivent savoir passer la main parfois. Quand il a ouvert le paquet, ça a été une explosion de joie ! Il s’est mis à courir autour de la grande table en hurlant « J’ai des pistolets en or, j’ai des pistolets en or ! » Ma grand-mère a failli s’étouffer de rire et de joie. Jamais elle n’aurait cru que des armes dorées puissent faire un tel effet.
Mémère Solange et pépère Roger, on les appelait comme ça.
Elle, maigre et un peu sèche de cœur, ne sachant que peu exprimer ses sentiments. Catholique ayant épousé un communiste révolté et actif jusqu’à ses 80 ans, parlant haut et n’hésitant pas à nous prendre à témoin même enfants, des travers du monde.
J’ai peu de souvenirs chez eux alors qu’ils habitaient le même village étendu que mes autres grands-parents. Chez les uns on mangeait jusqu’à tard, on courait partout et on riait fort. Chez les autres, on prenait les patins pour traverser la salle de séjour immobile et muette les rares fois où on avait le droit d’y monter.
Quand on est enfant, on ne voit pas forcément ces nuances, quand naissent nos propres enfants et nos valeurs familiales personnelles, on y repense.