Chroniq’hebdo | D’une guerre, d’un film, de la photo et d’une centième
Pierre Kobel
La conquête de la province arménienne du Haut Karabagh en 24 h par l’Azerbaïdjan provoquant l’exode de 150 000 Arméniens qui y vivaient a les relents d’une histoire sans fin. Nouvelles victimes de la géopolitique, des enjeux stratégiques et des intérêts économiques et aussi un pas de plus vers un nouvel ordre brutal, autoritaire, vers un monde dont je voudrais qu’il ne soit jamais le mien, mais qui me renvoie à mes illusions sur une société qui me dit que je ne l’ai pas vu changer et que je ne suis qu’un vieux schnock bougon.
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Comme Bernard, je suis allé voir L’été dernier de Catherine Breillat. Excellent film qui permet de découvrir le jeune Samuel Kircher et surtout de retrouver Léa Drucker, actrice troublante, subtile, séduisante. La liaison entre les personnages qu’ils incarnent est au centre de l’intrigue. Elle me ramène à ce qui a été vécu par des proches dans d’autres temps et sans les conséquences que le film développe. L’affaire ne s’est sue que bien plus tard et n’a pas fait scandale. Pour ma part, elle me réjouit. J’y perçois une liberté, un appétit de vivre que je souhaite à chacun. Dans le film l’intrigue pose le problème de la liberté dans la sexualité, des tabous et de l’éducation castratrice au nom d’une morale qui conduit plus souvent à des retours de bâton qu’au respect de l’ordre qu’elle prône.
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Je suis aussi allé voir l’exposition Corps à corps au Centre Pompidou. « Rassemblant plus de 350 photographies et documents, réalisés par quelque 120 photographes, l’exposition offre un regard inédit sur les représentations photographiques du genre humain aux 20e et 21e siècles. Elle fait dialoguer deux collections photographiques : celle, publique, du Musée national d’art moderne, et celle, privée, du collectionneur Marin Karmitz » écrit le musée. C’est un long voyage au cœur de cet art qui me parle tant. Pas la même intensité qu’une exposition dédiée à un artiste, mais une richesse documentaire et intellectuelle très large qui titille la curiosité et donne envie de prendre en main son propre appareil et de partir à la chasse photographique.
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Enfin je ne peux pas terminer cette chronique sans m’étonner d’arriver à la centième. Quand j’ai commencé à tenir ce rendez-vous hebdomadaire, je ne m’étais fixé aucun objectif particulier si ce n’est de revenir chaque fois dans mon journal des jours précédents. Plus tard, je me suis astreint à y rester fidèle, au-delà des hésitations, des lassitudes parfois, des doutes quant à la pertinence de ce que j’écris, des pages blanches. Aujourd’hui cela fait partie de mes respirations hebdomadaires. J’ai toujours pratiqué l’écriture du journal personnel comme un moyen de me mettre à distance de moi-même sans aucune ambition littéraire et sans aucune illusion de ce qu’il peut avoir d’exemplaire. Il en est de même avec ces chroniques. Puissent-elles se fondre dans l’ensemble des autres contributions si riches, si diverses pour inscrire une mémoire vive et collective qui ajoute à la vocation de l’APA.
Internet
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Allociné | L’été dernier
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Centre Pompidou | « Corps à corps », un voyage en photographie