Orange vif
Nadine P.
On est bien loin de la poésie d’Eluard quand le bleu de l’orange vire au rouge vif de l’opérateur du même nom !
Rumeurs urbaines, anecdotes ou autres récits circulent volontiers sur le thème d’Internet et de la téléphonie. Quand on y est confronté, les « on-dit » deviennent une pure copie de « La Maison qui rend fou » avec nous à la place d’Astérix.
Ma mère ayant de gros problèmes cognitifs, elle avait de plus en plus de mal à se servir de son téléphone portable, bloqué tous les trois jours, épuisement des troupes qui l’entourent. Après une chute sans gravité pour elle, ledit téléphone n’a plus jamais voulu fonctionner. Décision a été prise de résilier l’abonnement et là, commence le sketch sans humour aucun.
Appel — bonne réception d’une dame très prévenante et à l’écoute. Tout se passe le mieux possible. Je répète plusieurs fois qu’il ne faut surtout pas résilier l’ensemble de son contrat, les rumeurs ont laissé une trace, elles en laissent toujours, sinon plus d’Internet égal, plus d’ordinateur, de TV et surtout plus de téléphone fixe puisque tout est lié dans son abonnement.
On me rassure, je suis rassurée.
Rendez-vous téléphonique lundi suivant pour voir le nouveau contrat possible.
Lundi, rien, pas d’appel.
Mail et détails me sont envoyés cependant. On me rassure, je suis presque rassurée.
Dix jours plus tard, je découvre par hasard qu’Internet ne fonctionne plus chez elle. Je fais le numéro sésame et là, un opérateur me dit « C’est normal, la ligne est résiliée ! » Déglutir avant le cri ! Je suis impolie, je suis en rage, plus encore que si je ne m’étais pas méfiée. Je vois aussitôt les gros embêtements qui vont suivre. Son immeuble fait partie d’un ensemble, une cité ouverte encore il y a 20 ans, mais qui s’est fermée de tous côtés, car il vaut mieux prévoir, « on ne sait jamais », vaut mieux se protéger, elle ne peut donc plus ouvrir son portail et sa porte à distance sans son téléphone fixe ! Portage repas, kiné, aide ménagère resteront à la porte sans pouvoir entrer. Sans parler bien sûr qu’avec cette nouvelle donne, elle ne peut plus joindre personne. Je mets du temps à écrire tout ça, mais je ne mets que quelques secondes à entrevoir l’ampleur négative de la situation.
Je réalise qu’en plus, elle va devoir changer de numéro : on n’est pas sorti de l’histoire.
Il me promet de faire exceptionnellement vite, 48 ou 72 heures, enfin… il espère.
Il me rassure, je ne suis plus rassurée du tout, mais je m’excuse des mots employés, preuve à l’appui, c’est bien la dame sympathique du début qui a tout fait de travers. Gentille, mais inefficace.
Pas de nouvelles trois jours après, je rappelle et là, sidération !
Un autre employé écoute, va se renseigner longuement, apparemment lui a pu avoir l’accord du manager, et se basant sur l’historique, véridique, il va tout refaire dans trois jours « comme si rien ne s’était passé, vous n’avez rien à faire. » Hurler, je peux ? Je ne lui dis pas.
Puis non, promis je n’écrirai pas tout le sketch qui a suivi et duré, car on est fin septembre à ce moment-là et l’aventure va se poursuivre sans prise aucune sur la réalité, les gens, la logique jusqu’au 13 octobre. Et encore, tout n’est pas résolu au moment où je raconte. On a dû acheter des badges en urgence pour que les gens importants puissent rentrer, car ils ne peuvent toujours pas avec le nouveau numéro. Cette fois, c’est le syndic qui doit s’en occuper ! On ne rit pas.
Ma p’tite mère de 90 ans en un mois se trouve totalement larguée, pas trouvé d’autre mot proche de son état, elle s’est complètement éloignée de ce qu’elle aimait et réussissait encore à faire, aller sur son ordinateur et flâner sur Internet. Fini, merci l’opérateur qui m’écrit hier « Votre réclamation est close ». Ah bon ? Pour ma part, même s’ils n’ont pas honte d’employer ces procédés, je leur réserve encore quelques mots de mon cru…