Covid 23
Anne-Claire Lomellini-Dereclenne
Je ne pensais même plus à lui, même si ma fille m’avait dit, au retour de son voyage scolaire qu’il y avait un cas positif dans le bus.
La veille encore, je disais crânement à une collègue que je ne l’avais jamais contracté. Que je devais avoir de bonnes défenses immunitaires ou bien que, vu que j’avais toujours mis en place les gestes barrière scrupuleusement, c’était pour ça que j’étais toujours passé entre les gouttes. Blablabla. On se refait l’histoire, on s’arrange avec les souvenirs au mieux qu’on peut.
Et puis le soir des vacances est arrivé.
Dix jours de vacances devant moi.
Dix jours pour lesquels le programme était bien établi, comme d’habitude, millimétré.
C’est arrivé au repas du soir. D’un coup, le violent mal de tête est apparu sur le front. Devant. Frontalement. Carrément. Pas du tout comme les migraines insidieuses qui remontent depuis la nuque, par-derrière, presque de manière vicieuse. Non, là, pas de mystère. Direct. Frontal. Ça m’est venu comme une décharge électrique et j’ai dû me tenir la tête alors que nous étions en train de dîner. Tout le monde s’en est un peu ému. C’était inhabituel ; et ça m’a d’ailleurs surpris moi-même. Et puis, je n’y ai plus prêté attention.
Je suis partie regarder Elle s’en va avec Deneuve, puisque Arte nous propose des films de la Grande Catherine à l’occasion de ses 80 ans. Et celui-là, je l’avais vu il y a longtemps, et je voulais le revoir.
Elle est belle Deneuve, on a beau dire. Elle est classe, elle dégage quelque chose. Elle a beau avoir son âge et ne pas avoir un corps parfait, elle en impose. Ce doit être son visage. Son regard. Sa chevelure. Ou peut-être que c’est aussi un truc dans son attitude. Son air nonchalant. Son air d’en avoir rien à faire d’être belle. Cet air de ne pas prendre la chose au sérieux (facile quand on a son physique). Cet air d’être au-dessus de tout, d’être ailleurs, de manière naturelle.
J’ai rêvassé sur Deneuve dans ce road movie et à mesure que le film avançait j’empilais les couches de couvertures. J’ai soudain eu froid, très froid, à claquer des dents. La dernière s’en amusait. Moi un peu moins, je n’ai pas compris.
J’ai passé la nuit à délirer sur ce film j’ai fini par prendre des anti-inflammatoires et à suer comme une folle dans le lit. Deneuve était toujours là, dans mon délire. Elle me soutenait en fumant des clopes au pied de mon lit. C’est la fièvre, tout ça.
Je crois que dorénavant Deneuve sera indissociable de mon COVID « 23 ».
Le matin, loin d’aller mieux, j’avais encore la tête dans un étau prêt à me faire exploser le crâne. J’ai eu peur d’une méningite à méningocoque. J’en connais la gravité. J’ai envoyé ma fille m’acheter un test COVID pour écarter, quand même, cette hypothèse d’un autre temps.
Je ne savais même plus faire le test. J’ai dû relire la notice. Ils disaient d’attendre quinze minutes. Tu parles. Dès que le liquide a commencé à monter par gravité, le test est devenu positif. Un double trait bien épais, histoire de dire que le virus était là et bien là… Histoire, aussi, de contredire ma conviction prétentieuse.
Au moins ce n’était pas une méningite.
Trois jours plus tard, ça va un peu mieux. Un peu mieux seulement.
Moi qui jugule toujours les rhumes en deux jours maxi, je suis encore sous anti-inflammatoires, l’appétit ne revient pas et je me sens aussi faible qu’au sortir d’une grippe. Je n’ai jamais été aussi malade depuis la grippe que j’avais faite à dix ou douze ans. Ça passe, un peu.
Il faudrait qu’on me prenne la tension, ça doit pas voler bien haut. Mais je crois que je tiens le bon bout.
Histoire de continuer dans mon cycle Deneuve, je regarderai Les Créatures d’Agnès Varda cet après-midi…
À J+5, j’ai toujours pas compris grand-chose aux Créatures d’Agnès Varda, mais je me dis que je n’étais sans doute pas dans le meilleur état pour apprécier. Mon « COVID 23 » semble enfin être parti, il a laissé une grosse toux, un gros rhume et encore pas mal de fatigue…
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Wikipédia | Catherine Deneuve