Froid ?…
Anne-Claire Lomellini-Dereclenne
Comme je m’inquiète toujours de la météo et que j’ai une légère tendance à tout planifier, j’avais repéré hier que la seule journée ensoleillée de la semaine serait mardi.
J’avais donc prévu de ménager un peu de temps dans ma journée professionnelle pour aller me promener au parc, juste à côté de l’endroit où je travaille. Après un repas vite avalé à la cantine, je propose à quelques collègues de se joindre à moi, si elles le souhaitent. Et nous voilà parties à trois, pour une petite marche digestive.
Il fait beau. Grand beau. Je tente d’apprécier le soleil et de ne pas trop me laisser engloutir par les discussions qui parlent de poste, de carrière, de missions, emploi du temps, planification, moyen terme, très court terme, réunions. Stress, stress, re-stress. Émulation dans le stress. Je m’éloigne mentalement de tout cela pour me recentrer sur la beauté des arbres et la sensation du soleil sur ma peau. Le soleil brut, le soleil pour le soleil sans les bruits parasites du quotidien. Ce petit brouhaha habituel qui pollue mon (nos ?) esprit(s) en permanence. Mais je ne veux pas l’entendre, là, tout de suite. Juste le soleil et moi. Je me demande si c’était une bonne idée de proposer à mes collègues de m’accompagner, mais je me dis aussitôt que oui, c’est toujours mieux d’être sociable, de manière générale. J’arrive de toute façon à m’extraire temporairement de cette bulle sonore et angoissante. J’arrive même, l’air de rien, à faire en sorte que mes deux collègues changent de sujet de conversation, qu’elles notent, elles aussi, la beauté des plantes et apprécient tout autant que moi cet aspect faussement naturel de ce jardin anglais.
Nous sommes couvertes, mais pas trop non plus, me concernant (une petite doudoune légère). Il doit faire environ 13 ou 14 degrés, ce que je vérifie avec mon téléphone qui m’indique que cela correspond bien au relevé météo du moment, à l’endroit où nous nous situons. Technologie connectée (pas de point de suspension, mais bon). Alors que je me délecte en solo de cette douceur, l’une de mes collègues remarque que nous n’avons pas froid, car nous sommes bien couvertes. Non, personnellement, je n’ai pas froid, parce que la température est plutôt assez douce, que mon corps est en activité et que le soleil chauffe tout de même. Cette réflexion m’étonne un peu. On a tendance à ne plus savoir ce qu’est le froid.
Ce matin, France-Info va dans mon sens. Le moins d’octobre 2023 est le plus chaud de tous les mois d’octobre enregistrés depuis que les relevés de température ont commencé. Pas étonnant. France info dit aussi que c’est le cinquième mois consécutif, en France, de record de température mensuelle. Rien de bien étonnant, non plus. Et ça continue, nous avons commencé novembre comme nous aurions commencé septembre il y a 20 ans : pluie et relative douceur. Je me surprends à ne même plus appréhender cette longue période de nuit froide qui couvre novembre-décembre-janvier-février et que je redoutais tant étant enfant. J’ai même hâte de froid. J’ai connu bien plus froid de toute façon. Satané dérèglement climatique. L’année dernière entre Noël et le jour de l’an, nous étions à New York. Au début, il y avait une tempête de froid et de neige. Là, nous avons eu froid. Bonnet, écharpe, gants, trois pulls, tout y passait. Ça, c’était le froid. Froid à ne pas vouloir rester dehors. Froid à faire mal aux oreilles des têtes aux bonnets mal ajustés. Ça, c’est le froid.
Bref, ils en avaient marre du réchauffement climatique, les nihilistes. Ils disaient, tout ça c’est des foutaises. Sauf que toutes les régions y passent plus ou moins. Un coup les tempêtes, un coup les inondations, un coup la sécheresse. Et je ne parle pas de l’Outre-mer qui subit ouragans et tempêtes de manière de plus en plus fréquente. Je sais bien qu’on en a marre, nous aussi, de toutes ces dénonciations-prises de conscience-injonctions autoritaires qui nous polluent notre bien-être. Je sais bien que certains ne veulent plus qu’on en parle, presque. Mais quand même…