Chroniq’hebdo | De Macron, de François Morel, de l’art des chroniques, de la photo en noir et blanc, de Bonnard
Pierre Kobel
Il s’installe l’œil aquilin, prêt à donner la leçon à tous ces journaleux avides de sa parole et qui ne la lui feront pas. C’est quand même lui le président ! C’est amusant, en même temps (oui je sais, c’est facile !), je suis en train de lire les chroniques de François Morel sur France Inter de 2021 à 2023. Et page 23, je lis : « Macron est un nom cent pour cent français, il est essentiellement porté dans la Somme et le Pas-de-Calais. Il s’agit d’une contraction du mot “maqueron”, désignant en picard le menton de façon péjorative. Donner des coups de maqueron, c’est une manière d’énoncer des déclarations spectaculaires, mais non suivies d’effet.
Entendez-le comme vous voulez. »
Oui, entendons-le comme nous voulons, cher François qui nous réjouit chaque vendredi sur les antennes en distillant le grave dans l’apparence de la distraction, en mêlant le savant, l’érudit à l’ironie et la vacherie bien sentie. Morel, c’est la culture sans l’élitisme et le populaire dans ce qu’il a de plus noble. Je m’y retrouve comme beaucoup d’autres. Ça aide à respirer face au monde politique qui nous prend le plus souvent pour des truffes, toutes tendances confondues et au monde journalistique qui s’oublie parfois dans une suffisance méprisante.
Et puis je ne surprendrai personne en écrivant que j’aime la forme des chroniques. Elles affirment le temps en permettant de se perdre, de rebondir, d’aller du plus sérieux au plus cocasse en disant ce qu’il y a de l’un dans l’autre. Elles permettent de dire les humeurs et de s’en échapper, de s’arrêter à l’anecdotique pour l’ouvrir à l’universel. Elles donnent du bonheur quand la tristesse voudrait nous happer.
Je lis François Morel avec jubilation comme je relis souvent Alexandre Vialatte.
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Je partage totalement l’enthousiasme d’Elizabeth pour l’exposition Noir & Blanc qui se termine à la BNF. Je me suis pris de passion assez tardivement pour la photo même si elle faisait partie de ma culture familiale du fait du métier de mon oncle. Mais ce sont de grands noms du noir et blanc qui m’ont donné envie de passe à l’acte et de photographier. Je me souviens d’une expo sur les ROMS au Centre Pompidou, de ma découverte éblouie de l’œuvre d’André Kertész puis de mon attachement à celles de Doisneau, Ronis, Cartier-Bresson que je mets toujours au plus haut. Plus tard, je m’attacherai à des artistes des générations suivantes : Michael Kenna, Ralph Gibson, Claude Batho que j’évoquais, il y a quelques mois, Bernard Plossu pour n’en citer que quelques-uns.
L’exposition de la BNF, en dehors du fait qu’elle fait de la place à certains de ces derniers, est plus qu’une simple promenade esthétique. Elle ramène à l’essentiel de l’image. Elle abolit la dispersion du regard dans les couleurs pour revenir à l’architecture de la photo. Elliott Erwitt, récemment disparu, à l’heure où la fondation Maillol lui rendait hommage disait : « La couleur est descriptive, le noir et blanc est interprétatif ».
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Pas facile de tout donner à la création et de concilier cela avec le reste de la vie personnelle. C’est cela que Martin Provost raconte dans son Bonnard Pierre et Marthe. J’ai lu par-ci par-là que c’était un film convenu, sans éclat. Je suis sorti de la salle avec plus de plaisir que je n’en attendais. Les acteurs sont à la hauteur de l’exercice, particulièrement Cécile de France et Anouk Grinberg. Provost filme comme on peint. Nombre de ses plans forment des tableaux qui pourraient être ceux de Bonnard. Ce dernier est connu pour composer ses œuvres à mesure de son imagination et ne leur donner leur cadre définitif qu’à la fin. Il revenait au motif sans arrêt, allant jusqu’à retoucher parfois certaines toiles jusque dans les lieux d’exposition ! C’est une façon d’affirmer qu’une œuvre n’est jamais terminée, que son interprétation évolue sans cesse. Ce à quoi je souscris sans réserve.
« Entre la beauté que vous, Pierre Bonnard, m’avez jetée dans les bras, sans le savoir, et celle que vous avez aimée au long de quarante-neuf années, il y a un monde, où ce n’est pas de la peinture.
Il y a un monde et c’est l’aventure du regard, avec ses ombres, ses lumières, ses accidents et ses bonheurs. » Guy Goffette
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Allociné | Bonnard, Pierre & Marthe
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À relire le petit opus de Guy Goffette, Elle, par bonheur et toujours nue, qu’on peut trouver en Folio/Gallimard