Voyage à l'ancienne

Bernard M.

Nous filons vers la capitale. Nous sommes partis tôt de Toulouse. Contrairement à l’habitude, nous n’avons pas pris le TGV par Bordeaux et avons choisi de prendre la vieille ligne par Brive et Limoges, malgré la durée plus longue du voyage. Mais dont le prix est très avantageux et qui surtout permet de profiter de très beaux paysages. Nous venons de grimper sur le Causse et de passer Cahors. Le temps est un peu brumeux, mais le soleil n’est pas loin et perce timidement de plus en plus nettement à mesure que l’heure avance. Les arbres restent nus, le printemps ne semble pas encore là, sur le Causse.

Nous sommes dans un brave vieux compartiment de six places dans lequel nous sommes seuls. Pour l’instant du moins le train est fort peu rempli. J’aime aussi me mettre debout dans le couloir et y rester longuement à voir défiler le paysage. Réminiscences d’anciens voyages. Quand enfant ou adolescent je descendais voir mes grands-parents à Toulouse. En ce temps-là on pouvait baisser les vitres, sentir la vitesse sur ses joues, voire, dans les premiers temps, avant que tout ne soit électrifié, se prendre quelques escarbilles ramenées par le vent. On ne se penchait pas, enfin à peine, ne pas se pencher au dehors, do not lean out, nicht hinauslehnen, e pericoloso sporgesi… Puis est venu le Capitole, à la fois plus cher, plus rapide, plus confortable sûrement, mais moins plaisant.

J’ai commencé le voyage par la lecture du Monde. Lecture rituelle, c’est une forme d’addiction, j’ai du mal à m’en passer. Mais je devrais, je crois. La lecture du journal informe et, peut-être, surinforme, car l’essentiel de ce que je lis je le sais déjà pour l’avoir entendu à la radio, pour l’avoir lu en ligne. Rien de folichon à aucun niveau et dans aucun domaine. Certes les articles papier vont plus loin, sont plus riches, mais globalement tout de même je les ressens comme une redite qui enfonce le clou, contribue à me plomber un peu plus. La situation en Ukraine ne s’arrange pas, c’est un euphémisme. Malgré la vaillance des Ukrainiens, malgré la solidarité internationale, malgré l’isolement diplomatique de Poutine, les bombes pleuvent plus que jamais, les morts s’accumulent, le pays se vide, le rouleau compresseur russe avance, même si, apparemment, moins vite qu’escompté.

J’ai sorti mon ordinateur. Je relis et peaufine l’article que j’ai écrit pour La Faute à Rousseau sur le passionnant livre de Manuel Carcassonne, Le Retournement et vais me mettre ensuite à celui que je veux écrire autour des images familiales.

Passé Brive, où beaucoup de monde est monté, le train est moins vide et deux dames se sont installées dans notre compartiment. Le paysage a changé. Bosquets et prairies très vertes, fermes isolées posées dans le moutonnement des collines, troupeaux de vaches ici et là, petit cours d’eau assez torrentueux que l’on remonte jusqu’à Uzerche, oui, vraiment la France est belle…

Internet

• SNCF | Deux siècles d’histoire

• Grasset | Le retournement de Manuel Carcassonne