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Grains de sel
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Blog créé par l'Association pour l'autobiographie (APA) pour accueillir les contributions au jour le jour de vos vécus, de vos expériences et de vos découvertes culturelles.
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19 juin 2023

Chroniq’hebdo | De quelques livres

Pierre Kobel

Semaine de livres. Je lis le dernier opus d’Anne Barbusse, La non-mère. De la poésie qui dit ce que fut la souffrance de son enfance, ce que furent ces parents qui n’en étaient pas, des non-parents. Des pages à la hauteur de ses deux précédents titres, Moi la dormante et Les accouchantes nues. Je mesure ce que fut ma propre enfance, je fais le point de ce qu’est mon regard posthume sur mes propres parents et combien j’ai la chance de ne rien avoir à leur reprocher. Ils nous ont élevés avec affection et le mieux qu’ils pouvaient. Je sais que leur éducation a été incomplète à cause de leurs préjugés moraux, de leur univers fermé, mais s’ils ne sont pas ceux qui m’ont aidé à échapper à mes propres préventions, à mes enfermements personnels, je n’ai pas à leur en vouloir de cela. Ce que raconte Anne de sa propre enfance est au-delà de l’entendement de toute éducation.

 

20230619gds-mots-pkobel_chroniq_hebdo84_hbessetteAutre lecture, celle du roman d’Hélène Bessette, Ida. Comment ai-je découvert cette romancière, je ne sais plus ? À force de curiosités multiples, de lectures de revues littéraires et autres, d’articles de blogs et de sites de littérature, je multiplie mes intérêts jusqu’à m’y perdre parfois. Comment ai-je pu passer à côté de Bessette si longtemps si ce n’est que les cercles éditoriaux n’ont pas aidé à la faire reconnaître ? Née en 1918, elle fut remarquée par Queneau qui lui fit signer un contrat chez Gallimard où elle publia plus treize romans sans jamais obtenir la reconnaissance du grand public. Incompréhensible alors qu’elle était mise au plus haut par Marguerite Duras, Nathalie Sarraute, Simone de Beauvoir. Dans un article du Monde de janvier 1963, Alain Bosquet écrit : « Il suffit au premier lecteur non prévenu — car l’écriture si curieuse d’Hélène Bessette n’exige aucune initiation particulière — d’ouvrir n’importe lequel de ses ouvrages pour constater qu’elle a une manière de s’exprimer et de conter qui ne ressemble à aucune autre. […] À première vue, et quelle que soit l’histoire, Hélène Bessette nous précipite dans un vaste paysage, semi-réel, semi-onirique, où les mots forment une espèce de suite de télégrammes lyriques ; les phrases n’ont pas souvent de verbe et, en retour, les verbes demeurent seuls à l’infinitif, rarement conjugués. La vision fugitive de ces mots n’en forme pas moins un décor, une cascade de sensations, des images qui bougent et où évoluent des personnages. »

Et l’écrivaine Maylis de Kerangal, en 2020,dans la revue Le Matricule des anges : « Si mystère B7 [Bessette] il y a, il est logé dans sa langue, et plus précisément dans cette voix qui en est le noyau radioactif, et tient chaque livre de la première à la dernière ligne. Une voix singulière qui énonce, décape, éclate comme on éclate un bloc de marbre en y enfonçant un coin, qui racle, évide, décharne, retranche toujours plus le gras de la langue toujours trop écrite du roman français. »

Elle écrit des vies en puzzle, des destins en miettes. C’est une plume unique qui se lit aujourd’hui comme si elle relève d’une modernité sans âge. Hélène Bessette meurt en 2000 entre paranoïa et misère, ne vivant que d’aides extérieures de puis longtemps. Elle ne sera pas oubliée grâce au travail de Julien Doussinault, un jeune étudiant en maîtrise d’histoire qui lui consacra une biographie.

bib-fragments_du_journal_intime_de_dieuLivre encore avec cet incident qui s’est produit au Marché de la Poésie, anecdote qui me laisse amusé et éberlué à la fois. J’avais acheté le dernier livre de Lambert Schlechter dont je dis souvent le plus grand bien dans ces pages et sachant qu’il le signait, je lui ai demandé une dédicace. Lambert ne me connaît pas et ne sait pas la place que tient sa plume dans mon panthéon. Il a écrit une phrase amicale et ce faisant, il tenait ouverte la page de couverture du livre de sa main gauche, une cigarette allumée entre index et majeur. Il n’a pas vu qu’elle brûlait le bord de cette couverture et c’est moi après qu’il m’ait remis l’opus qui l’a éteinte sans qu’il se soit aperçu de rien. Qu’en aurait-il dit lui dont la maison, les bibliothèques et les carnets personnels ont brûlé en 2015 dans un incendie dévastateur ? Clin d’œil ironique que cette brûlure du recueil. Il nous rappelle la fragilité des objets auxquels nous nous attachons. En attendant, je ne manquerai pas de le garder précieusement dans ma bibliothèque personnelle.

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N
Comment, avec toute la passion que tu mets à chaque présentation d'un livre, ignorer un de ceux-ci et ne pas le joindre à la longue liste des romans ou autres ouvrages à lire ? Impossible ! Merci.<br /> <br /> Nadine
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