Chroniq’hebdo | De l’actualité, d’un livre, d’une expo et d’un film
Pierre Kobel
Alors que l’actualité revient sur les arrivées de migrants d’Afrique qui se multiplient quand ils ne meurent pas noyés dans la Méditerranée, un humoriste se moque en évoquant trois autres migrants qui nous rendaient visite ces derniers jours : le roi Charles III d’Angleterre et la reine Camilia d’une part, le pape François d’autre part. Visites protocolaires, balisées de A à Z qui n’apportent rien à l’histoire. Les liens de la France avec l’Angleterre se font et se feront avec ou sans le roi. Les appels du pape en faveur des migrants ne changeront rien aux politiques européennes. Ces gens-là passent, les problématiques restent et ils ne sont que des personnages exotiques qui font partie du décorum de nos existences.
Autre actualité qui est sportive. Les Bleus font partie des favoris de la coupe du monde de rugby et enchaînent les victoires jusqu’à présent. La blessure qui écarte leur capitaine, Antoine Dupont, du jeu va-t-elle changer quelque chose à ce succès attendu ? On voudrait que non et la presse en profite pour faire des gloses à n’en plus finir. Sur le fond je reste à distance de ces compétitions où le spectacle le dispute au sport. « Panem et circenses », la formule n’est pas nouvelle.
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Trois jours, trois claques.
Premier jour, je lis le nouveau livre d’Ervé, Morsures de nuit, qui me trouble autant que le premier, Écritures carnassières. C’est une langue qui me saute au visage, qui claque contre mes jours et me dit encore et encore mes propres fragilités, qui ravive mes blessures souvent inavouées. À lire Ervé, je sais que je ne suis que de passage, que mes illusions sont sans importance. Devrais-je m’en désespérer ou lucidement m’en réjouir ?
« Se jouer de la tristesse. Partir dans le vide. Être son propre témoin d’un monde qui tourne d’absence de soi. Respirer le peu de lumière et rêver tout haut. », écrit-il.
Deuxième jour. Le monde bouge si vite que la réalité me rattrapera forcément si je veux la fuir. Me restent les mots et l’art pour tenir le coup. Pour certains cela ne suffit pas. Cela fut le cas de Nicolas de Staël quand, en mars 1955, il se jeta dans le vide de la terrasse de sa maison d’Antibes. Je me souviens encore de l’exposition de 2003 au Centre Pompidou qui m’avait permis de le découvrir alors que je le connaissais très mal.
Le musée d’art moderne de Paris lui consacre une grande rétrospective où je me suis longuement perdu. En regardant les œuvres de Nicolas de Staël, je sais que j’ai affaire à la véritable création. Il y a une démarche, un travail en recherche permanente et c’est un travail dans lequel je me reconnais, où ma sensibilité trouve des échos, qui est en correspondance avec mon amour de la poésie.
Troisième jour. Au cinéma, nous allons voir Anatomie d’une chute, le film de Justine Triet. J’en sors estomaqué. Tout contribue à en faire une œuvre majeure. Plus de deux heures sans une once d’ennui, pas une image de trop, des acteurs au sommet de leur art.
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La collecte « sexualité » ne trouve pas d’amateurs. Mais moi-même je n’y ai pas encore participé. Aujourd’hui, comment écrire mon apprentissage et mes expériences de la sexualité ? Comment raconter cela ? Une éducation trop pudique m’a longtemps laissé à la marge des plaisirs que je devinais et dont j’avais le désir. Cette même éducation me retient d’écrire à ce sujet malgré la libération que les rencontres de l’existence m’ont offerte.
Internet
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MAM Paris | Exposition Nicolas de Staël
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Allociné | Anatomie d’une chute